Je suis convaincu qu’un bon animateur est celui qui favorise la communication en réseau, fondement de la démocratie, et évite la communication en faisceau, base du totalitarisme. Il est celui qui fait circuler la parole et ne le concentre pas sur sa personne ou sur un orateur déterminé. Il est celui qui rend les participants actifs, qui est attentif à ne pas laisser s’installer des passivités démobilisatrices. C’est pourquoi après chacune de mes conférences, je préfère, sauf pour des problèmes purement techniques, ne point répondre immédiatement à chaque question posée. Je souhaite que la parole circule et que le plus grand nombre possible de participants s’expriment. L’important, à mes yeux, est de sortir du rapport traditionnel élèves/professeur, enfants/parents, collaborateurs/chefs, de casser l’image du gourou-détenteur-de-vérité. C’est ce que je vous propose pour le débat de tout à l’heure : plus que le discours sur l’animation compte notre pratique de l’animation.
Résumé. La psychosociologie – expression et notion essentiellement francophones – a connu en France et en Belgique une prodigieuse expansion au cours de la seconde moitié du XXe siècle. En de multiples endroits, son histoire, durant cette période, a été marquée par des phases d’espoirs et de déceptions, d’illusions et de désillusions, d’heurs et de malheurs. Symboliquement significative est à cet égard l’expérience vécue au sein de l’Université Libre de Bruxelles ici contée, en ses différentes étapes de la naissance à la décadence d’un projet original, pariant sur la reliance entre psychologie et sociologie , mais se heurtant aux intérêts installés, aux féodalités académiques traditionnelles crispées sur la défense de leurs chers territoires, ainsi qu’aux promoteurs d’une psychologie ou d’une sociologie positivistes, rationalistes et/ou expérimentales, à la limite déshumanisées.. Bref : l’occasion d’ouvrir ou de relancer un débat essentiel pour le devenir de ces « sciences »
Le titre de cette contribution peut paraître mystérieux, ce qui est bien normal. Il a pour vocation d’exciter notre curiosité, de solliciter notre imagination. Il comporte trois termes peu courants :
- reliance, notion qui m’est chère, qu’Edgar Morin et Michel Maffesoli, entre autres, utilisent à de fréquentes reprises ;
- médiance, un vocable forgé par Augustin Berque ;
- interstance, un concept mis en avant par deux collègues belges, Jean-Louis Darms et Jean Laloup.
Qui ne perçoit immédiatement que ces trois notions – étroitement reliées entre elles – évoquent irrésistiblement celle d’ intermédiation au cœur de notre réflexion collective ? N’y a-t-il pas, dans cette dernière notion, de l’ inter, de la médiation et finalement du lien social, bref des interstances, de la médiance et de la reliance ?
La thèse que je souhaite défendre peut, de façon synthétique, être formulée comme suit : les trois notions évoquées – Reliance, Médiance, Interstances – constituent le R.M.I. (revenu minimum d’insertion) indispensable pour contribuer efficacement au développement social, pour participer à la gestation de la société hypermoderne pour, d’un point de vue à la fois théorique et pratique, s’insérer dans cette société et en réussir la construction.
Tentons donc d’étayer ce point de vue.
je me propose, à la demande des organisateurs de notre rencontre, de développer quelques idées personnelles sur une notion qui m'est chère, celle de “ reliance” : “démon politique” d'Edgar Morin, selon l'affirmation de celui-ci, elle me paraît se situer au coeur même du paradigme de la raison complexe, cette antithèse de la raison simplifiante, du paradigme de simplification fondé, lui, sur le principe de séparation, de dé-liance. Mais la déliance contemporaine n'est pas que scientifique, elle est aussi sociale, psychologique, cosmique. En réaction contre de tels phénomènes, quatre aspirations de re-liance s'expriment avec de plus en plus d'acuité : des aspirations de reliance à soi (identité), de reliance aux auxtres (fraternité), de reliance au monde (citoyenneté). En d'autres termes, de reliance psychologique, sociale, culturelle (ou cosmique) et cognitive. Tel est l'essentiel du propos que je compte développer. Au terme de celui-ci, la reliance devrait nous apparaître — du moins je l'espère — comme un enjeu social, politique et culturel majeur pour nos sociétés en devenir. Mais également un enjeu scientifique de première importance : la reliance des idées et des disciplines — c'est-à-dire la pensée complexe — constitue, elle, une démarche cognitive essentielle pour aider à la solution des problèmes socio-politiques ainsi soulevés. Ce qui ne nous dispensera pas, dans le cadre de cet atelier consacré à l'“Ethique” de la complexité, de nous interroger sur deux dimensions de celle-ci : l'éthique de reliance et l'éthique de la reliance.
ecrit avril 2006
Microsoft Word - situation.pdf 121,22 kB