Marcel BOLLE DE BAL De la Reliance
Marcel BOLLE DE BAL De la Reliance
"De la reliance". Joli terme qui sous-titre deux volumineux ouvrages regroupant des textes variés autour du même concept, et intitulés Voyages au coeur des Sciences Humaines.
Marcel Bolle de Bal, Professeur émérite de sociologie et de psychosociologie à l'Université libre de Bruxelles qui a réuni ces contributions, a créé ce néologisme voici vingt ans en l'inscrivant dans une histoire générationnelle. La reliance, avec son antonyme la déliance, émergent selon lui des réalités préoccupantes du monde contemporain. Les faire ressortir et les mettre à l'étude, à travers ce que peuvent en dire des chercheurs d'horizons culturels et disciplinaires divers, constitue une oeuvre intégratrice majeure en ces temps encore et toujours troubles. Sous le signe du lien, écrivait Boris Cyrulnik en 1989. Et bien, l'évolution montre que celui-ci ne va pas de soi. Même en y adjoignant un préfixe re, en le féminisant et, comme le préconise Jean Maisonneuve dans la préface, en l'unissant à un reste de sacré.
Le travail considérable auquel Marcel Bolle de Bal s'est livré pour produire ces ouvrages _ ce qui lui a valu, avoue-t-il, trois années d'émotion _ ne doit pas rester lettre morte. Partant de l'image merveilleuse de Noël et des contes de fées de notre enfance, il nous invite à pointer en préalable les besoins tant que les carences de reliance caractérisant notre monde moderne, soumis comme il le souligne à un mur d'indifférence bien épais. Faut-il les horreurs d'un Marc Dutroux pour le fissurer et libérer les ballons blancs de la révolte ? Faut-il les rejets des "sans..." pour, d'un monde basé sur les papiers, se souvenir de ne pas oubiier, loin derrière, qu'il y a de la chair ? Faut-il les carnages de certains points du monde pour révéler encore et toujours les ravages de l'horreur la plus déshumanisée, de la déliance la plus sauvage ?
De la tolérance, prônait le philosophe Pierre Bayle dès 1686, pas encore suffisamment entendu de nos jours. De la reliance, renvoie 310 ans plus tard Marcel Bolle de Bal en appelant au miracle. Nombreux sont ceux qui, nous faisant part de leurs réflexions, ont répondu à l'appel de ce séduisant concept de reliance, à l'invitation de ce voyage, riche et documenté, au coeur, donc, des Sciences dites Humaines. L'univers scientifique n'a que rarement dû, sans doute, se sentir aussi humain qu'en participant d'une telle entreprise que Bolle de Bal qualifie de "collège invisible". Car derrière ces réflexions, des enjeux théoriques certes (premier tome), pratiques aussi (deuxième tome), mais partout et surtout, éthiques.
Comme il le dit au terme de sa longue présentation : " Personnellement, sans nier les vertus de certaines déliances et à partir d'elles, j'aime à définir la reliance, dans la dimension normative que je lui attribue, comme le partage des solitudes acceptées et l'échange des différences respectées : dans une telle formule se retrouvent en effet les dimensions philosophiques (existentielles), psychologiques (la solitude acceptée ou la reliance à soi), sociales (le partage et l'échange de la reliance aux autres) et politiques (le respect des différences, c'est-à-dire la démocratie et la lutte contre le racisme). Vaste programme éthico-politique en ces temps d'hyper-modernité émergente...".
Vaste lecture plurielle à laquelle il nous convie alors, proposant de suivre au passage et parmi d'autres les contributions de R. Barbie, E. Enrikez, J. Feldman, F. Ferrarotti, V. De Gaulejac, J.L. Le Grand, M. Maffesoli, E.Morin, S. Mukuna, M. Pagès, G. Rocher, R. Sainsaulieu, E. Sullerot et bien d'autres... N'hésitez pas à résérver une place dans vos lectures prochaines à ces deux livres majeurs où se révèlent et s'expriment, à travers cet heureux concept de reliance, les potentialités d'une transcience.
Martine Lani-Bayle
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